AU LECTEUR Qui entendra dans la chorale des cadavres, Ma voix | Romain Guérin

AU LECTEUR

Qui entendra dans la chorale des cadavres,
Ma voix grave et cassée, sans bave et sans éclat,
Enfant de chœur perdu dans un infernal havre,
Où résonnent les SI et rien ne sonne LA.

Un cadran fend le cœur avec ses trois épées,
De l'orgueil impatient qui m'habite parfois
Sève d'un triste tronc recouvert de cépées,
Coulante bouffonne… dans une âme sans foi.

Il est des jours radieux qui dégoûtent d'écrire,
Et d'autres, orageux, aux lueurs qui m'inspirent,
Il est surtout des soirs où le temps se suspend…
Au dessus de mon corps à l'esprit galopant.

Mes draps âpres sont le… cilice… de mes nuits,
Où s'expie capiteux mon péché de paresse,
Dès que l'inconscience… frappe… son coup inouï,
Je tombe dans les bras d'une cinglante ogresse.

Dans la fleur de l'âge… mon corps raide au réveil,
Transpire la rosée de mondes impossibles,
D'exotiques sanglots voilent mes yeux vermeils,
Aiguisant les rayons de l'astre irrésistible.

Tout comme un mutilé qui réapprend à vivre,
N'étant plus adapté au calme et à la paix,
Je me lève… boitant… et encore bien ivre
De la barbarie bleue de mes rêves mauvais.

Qui viendra entrouvrir mon écrin de béton,
Où les maux d'un camé brillent pusillanimes ?
Gueule d'ange cassé… je vivote… à tâtons…
Tel l'aveugle sans canne aux milieux des abîmes.


Extrait de « La Chorale des cadavres » disponible ici : http://romain-guerin.com

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