Le vieil Orient, fatigué des ambitions individualistes, fatigu | Pierre-Antoine Plaquevent

Le vieil Orient, fatigué des ambitions individualistes, fatigué des grands hommes, flagellé du fantôme de la grandeur humaine, avait soif de quelque chose de plus haut et de plus solide que toute personnalité humaine. L'adoration des grandes personnalités étant la sagesse même de ce monde, l'Orient a tendu la main vers un idéal surhumain, vers la Sainte Sagesse. C'est un fait psychologique que la jeunesse voit son idéal dans la grandeur personnelle, l'âge avancé dans la sainteté. L'Orient a demandé quelque chose de plus éternel que Pierre, Paul ou Jean. Il y a la sagesse, et il y a la sainte sagesse. La sagesse philosophique ou personnelle a existé dès le début de l'humanité, mais la Sainte Sagesse est entrée dans le monde avec Jésus-Christ. Le Christ était l'incarnation de la sagesse de Dieu, l'incarnation même de la Sainte Sagesse.
Cette sagesse se tient au-dessus de toute sagesse humaine et la ravive et l'illumine. La Sainte Sagesse comprend la sagesse essentielle de Pierre, Paul, Jean et de tout autre apôtre ou voyant, ou de toute autre chose ou créature, comme l'océan comprend l'eau de nombreux fleuves. Dans les moments les plus sombres de dissension, d'incertitude ou de souffrance, l'Orient chrétien ne s'appuyait pas tant sur les grands apôtres, que ce soit Pierre, Paul ou Jean, mais regardait au-delà du temps et de l'espace vers le Christ éternel, le Logos de Dieu, et demanda la Lumière. Et cela regardait vers l'éternité à travers cette église de Constantinople, Sainte-Sophie, comme le symbole sacré qui embrasse tout et réconcilie tout. Chaque fois que Pierre, ou Paul, ou Jean, ou tout autre apôtre ou prophète, est devenu le terrain sur lequel les croyants se sont disputés, c'est dans la Sainte Sagesse qu'ils ont cherché refuge et guérison de leur partialité intellectuelle et de leur mauvaise volonté. Pourtant, si la Sainte Sagesse n'a qu'en Orient un symbole magnifique, la Sainte Sagesse est le fondement même, la substance et le but de l'Église d'Occident ainsi que de l'Orient, oui de l'unique et sainte Église catholique. Car le christianisme n'avait été destiné ni au seul Orient ni au seul Occident, mais au monde entier. Et que signifie le mot « catholique » tant abusé, si ce n'est l'inclusivité ? Tel est aussi le sens de la sagesse divine telle qu'elle est révélée dans le christianisme depuis le début.

(Les œuvres du révérend Nicholai Velimirovic, chapitre 1 : La sagesse de l'Église Sophia)